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l’homme n’est jamais content

M. de Navailles qui, accompagné de son ami Charles Vernier, circulait en distribuant des poignées de mains et adressait à chacun de ses invités un mot aimable.

Quant à l’officier de marine, ne connaissant que peu de personnes dans cette réunion mondaine, il suivait machinalement son ami, plus ennuyé que joyeux dans ce milieu frivole. Le rude marin eût cent fois préféré se trouver à bord, parmi ses anciens camarades, que dans ces salons où son oreille avait déjà surpris quelques-uns des propos malveillants qui circulaient relativement à la nouvelle situation du comte qui, ne se doutant de rien, semblait marcher dans un rêve, recueillant les sourires que l’on prodigue toujours au Veau d’or, qu’il personnifiait en ce moment, car les suppositions les plus fantaisistes étaient émises sur la fortune qu’il avait rapportée de son lointain voyage et on la décuplait volontiers. D’ailleurs, la magnificence déployée pour cette soirée donnait assez raison à cette rumeur.

À minuit, les invités commencèrent à se retirer, mais non sans avoir comblé M. de Navailles, les hommes de poignées de mains, les dames d’aimables et plus ou moins sincères compliments ; et lorsque le jeune homme se trouva seul avec son ami, il fixa sur lui un regard radieux.

— Eh bien ! lui demanda-t-il, que penses-tu de ma soirée ?

— Je pense que tu as dépensé beaucoup d’argent bien inutilement, répondit froidement Charles Vernier.

— Ah ça ! deviens-tu fou ?…

— Pas le moins du monde. Tu me demandes mon avis, je te le donne, voilà tout.