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Page:Ville - Au Klondyke, 1898.djvu/66

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au klondyke

le marquis de Liserot, jeune homme d’un blond fadasse, aux traits fatigués, le cou serré dans un haut faux-col qui lui donnait l’air de ces prisonniers chinois que l’on promène dans les rues, la cangue au cou.

— Pour ma part, disait-il d’un ton railleur, je ne crois point à cette histoire de contrée dorée. On ne fonde pas facilement une société minière, et je sais pertinemment que le comte était, il y a un an, dans l’impossibilité absolue de se procurer les capitaux nécessaires à l’exploitation d’une mine d’or.

— Cependant, répondit le baron de Versac, homme d’un certain âge, la fortune de notre ami est rétablie, et à moins qu’il n’ait employé des moyens que la loi réprouve…

— Qui vous parle de cela ? reprit le marquis. Je vous dis seulement que je ne crois pas à l’histoire que chacun colporte.

— L’évangile dit : Ne jugez pas témérairement. Or, en ce moment, vous me semblez très disposé à faire, sur le compte de M. de Navailles, des suppositions fort désobligeantes pour son honneur.

— Pourtant, vous avouerez que l’on ne trouve pas ainsi, en se promenant, une vingtaine de millions.

— Sa fortune est-elle aussi considérable ? demanda le baron, étonné à l’énoncé de ce chiffre.

— C’est du moins ce que l’on suppose.

Ce spécimen des conversations qui se tenaient dans tous les groupes prouve assez que la nouvelle fortune du comte avait excité la jalousie et envenimé les langues, ce qui n’empêchait point les lèvres de sourire gracieusement à