II.
UNE VENGEANCE INDIENNE
onsieur de Vorcel avait quarante ans à peine. C’était un
fier gentilhomme de haute mine, issu d’une famille
originaire du Beaujolais. Deux ans avant l’époque où
commence cette histoire, le roi l’avait envoyé au Canada, pour remplacer le colonel du régiment de Royal-Marine, tué dans un combat.
À peine débarqué à Québec, il avait fait construire, à cinq lieues de la ville, une charmante villa pour la comtesse, sa fille Marthe, âgée de seize ans, et son fils Louis, de deux ans plus jeune que sa sœur.
Marthe de Vorcel était bien la plus ravissante enfant que l’on pût voir : blonde comme les blés ; son visage, d’un ovale parfait, était d’une blancheur nacrée légèrement rosée, et éclairé par des yeux d’un bleu de saphir d’une douceur angélique.
Quant à Louis, c’était un jeune espiègle, grand, brun, dont la turbulence n’était pas toujours très agréable au colonel, lorsque les exigences de son service lui permettaient de venir passer deux ou trois jours à la villa, au milieu de sa famille. Mais si les espiègleries de son fils le lassaient parfois, il n’en était pas de même de la grâce ingénue de sa fille, pour laquelle il éprouvait une véritable adoration. Aussi, on comprendra facilement la douleur qu’il avait ressentie en apprenant que cette douce et