Page:Villehardouin - De la conqueste de Constantinoble, 1838.djvu/296

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Qu’après ma mort auront reprovier grant,
Sé longement sui pris.

4.


N’est pas merveille sé j’ai lo cuer dolent,
Quant mes sires[1] tient ma terre à torment ;
Sé li membroit de nostre sairement
Que nos féismes amdui, communaument,
Bien sai, de voir, que céans longement
Ne seroie pas pris.

5.


Mes compaignons que j’amoie et que j’aim,
Ces de Caeu et ces de Porcherain[2],
Dis-lor, chanson, que ne sunt pas certain[3] ;
Qu’onques vers aus n’en oi cuer faus né vain.
S’il me guerroient, il font mout que vilain,
Tant cum je serai pris.

6.


Ce savent bien Angevin et Torain,
Cil bacheler qui or sont riche et sain,
Qu’encombrés sui loin d’aus, en autrui main ;
Forment m’aidaissent, mais il n’i voient grain :
De beles armes sont ore vuit cil plain[4],
Por tant que je sui pris.

  1. Mes sires, le roi de France.
  2. De Caeu, Anseau de Caeu, qui se croisa, avec les comtes de Flandre et de Saint-Pol, sans doute pour avoir trop bien répondu, en 1195, à l’appel de Richard. — Joffroi, comte de Perche, étoit revenu de la croisade avec Philippe-Auguste, et dans le temps que Richard écrivoit cette chanson, il étoit encore attaché aux intérêts du roi de France. Mais il s’étoit réconcilié bientôt après avec l’Anglois. Nous l’avons vu au nombre des croisés.
  3. Certain, constans, fidèles.
  4. « Maintenant ces contrées ne voient plus faire de belles armes depuis que je « suis pris. » Le vers est obscur, et je ne suis pas bien sûr de la traduction que je soumets ici. Peut-être faudroit-il lire :
    De beles armes sont ore tuit cil plain.

    C’est-à-dire d’une façon proverbiale : Ils ſont tous blanc de leur épée.