Page:Villemain - Discours et mélanges littéraires.djvu/104

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duits et excusés par les passions de la liberté, aient vu dans la force d’une autorité tutélaire la perfection idéale de la société, et que la philosophie ait réclamé dans l’antiquité l’ordre et le repos, comme elle demandait parmi nous l’indépendance. D’ailleurs, depuis l’axiome vulgaire de Platon, la philosophie se croyait intéressée au maintien des trônes, dont elle devait hériter tôt ou tard. Stobée nous a conservé des fragments de trois traités sur la monarchie, attribués à des philosophes de l’école italique. Tous ces morceaux respirent la sublimité morale que l’on remarque dans Platon. Je n’en citerai qu’un seul, tiré de Sthenida, pythagoricien. Je le traduis avec une rigoureuse fidélité.

« Un roi doit être un sage à ce prix seulement il sera vénérable et paraîtra l’émule de Dieu lui-même. L’un est le premier roi, le premier maitre ; l’autre le devient par naissance et par imitation. L’un commande partout, l’autre sur la terre ; l’un règne et vit toujours, possédant la sagesse en lui-même ; l’autre n’a qu’une science passagère. Il imitera surtout Dieu, s’il est facile, magnanime, satisfait de peu de chose pour lui-même, tandis qu’il montre à ses sujets une âme paternelle. En effet, si Dieu est regardé comme le père des dieux, comme le père des hommes, c’est particulièrement à cause de sa douceur pour tout ce qui respire sous sa loi, c’est parce que jamais il ne se lasse et ne néglige son empire ; c’est parce qu’il ne lui a pas suffi d’être le créateur de l’univers, s’il n’était encore le nourricier de toutes les créatures, le précepteur de toutes les vérités et le législateur impartial du genre humain. Tel doit paraître le mortel destiné à commander sur la terre et parmi les hommes, le roi. Rien n’est beau sans doute hors de la royauté, et dans l’anarchie ; mais, sans la sagesse et la science, il ne peut exister ni roi ni pouvoir. L’imitateur véritable, le ministre légitime de Dieu, c’est un sage sur le trône. »

Note C. On a voulu faire de Fénelon un politique rêveur et dangereux. J’avoue qu’il m’est impossible de concevoir quelle espèce de danger pouvaient offrir ces belles imaginations de justice, de sagesse et de bonheur qui, dans le Télémaque, s’accordent avec toutes les formes de gouvernement, et se réalisent presque tou-