Page:Villemain - Discours et mélanges littéraires.djvu/105

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jours par les vertus d’un bon roi. Sans doute Fénelon ne partageait pas les idées politiques de Bossuet. Chacun de ces deux grands hommes portait dans ses systèmes l’empreinte de Ion caractère. Fénelon, plein de douceur et d’insinuation, aurait souhaité que l’unité du pouvoir souffrit quelques tempéraments salutaires au peuple. Dans ses Directions pour la conscience d’un roi, ouvrage d’une politique sublime autant que d’une religion éclairée, il dit, en s’adressant au Dauphin : « Vous savez qu’autrefois le roi ne prenait jamais rien sur ses peuples par sa seule autorité ; c’était le parlement, c’est-à-dire l’assemblée de la nation, qui lui accordait les fonds nécessaires. Qui est-ce qui a changé cet ordre, sinon l’autorité absolue que les rois ont prise ? » Plus tard, lorsque les maux de la France firent douter qu’il y eût assez de force dans la main seule de Louis XIV pour sauver l’État, Fénelon proposa le retour de ces assemblées dont il avait regretté la perte dans les jours les plus glorieux de la monarchie. Ce ne sont plus ici les spéculations d’un cœur vertueux. Fénelon s’arrête à des idées précises il veut que la nation soit appelée à se défendre elle-même, et pour cela, il n’a point recours à l’ancienne et unique représentation de la noblesse et du clergé. It demande un choix de notables dans les classes industrieuses de la société. Cette politique était sage, était noble ; je conçois cependant que l’on admire Louis XIV d’avoir pu s’en passer. Ce roi connut bien alors le principe de la monarchie qu’il avait créée : en donnant lui-même l’exemple de l’héroïsme, ii ne s’adressa qu’à l’honneur, et il sauva la France. Ces illusions ne sont ni de tous les peuples, ni de tous les temps et elles ne valent pas une sage et forte liberté.

Note D. Cette fatalité, qui ne permet pas aux idées humaines de rester à la même place, soit qu’elles doivent avancer ou s’égarer, m’a paru supérieurement exprimée dans un passage que je vais citer. Il est tiré de l’ouvrage de M. de Barante, sur la littérature du dix-huitième siècle ; ouvrage plein de bon sens, d’esprit et d’originalité, et qui renferme assez de vues et d’idées pour défrayer une vingtaine de nos discours académiques.

« C’était surtout par la marche des opinions humaines et par les productions de l’esprit que le dix-huitième siècle avait été remar-