Page:Villemain - Discours et mélanges littéraires.djvu/152

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de son génie moqueur, à force de raison, se prêtèrent si bien à revêtir de naturel et d’élégance les savantes démonstrations que lui fournissait l’expérience de ses amis.

Ainsi naquirent les Provinciales, par le besoin d’en appeler de la Sorbonne au public, et d’expliquer ces subtiles questions de la grâce qui servaient de prétexte à la persécution d’Arnauld, le plus illustre soutien de Port-Royal. Ces lettres paraissaient sous un faux nom, presque furtivement ; elles défendaient un illustre opprimé ; elles attaquaient un abus de pouvoir théologique, dans une époque où la religion était le premier soin des esprits ; elles n’étaient pas une chose frivole elles répondaient à l’un des intérêts les plus réels du temps. La brièveté, la clarté, une élégance inconnue, une plaisanterie mordante et naturelle, des mots que l’on retient, en rendirent le succès populaire. Pascal explique si nettement la question, que par reconnaissance on est obligé de la juger comme lui. J’admirerais moins les Lettres provinciales, si elles n’étaient pas écrites avant Molière. Pascal a deviné la bonne comédie. Il introduit sur la scène plusieurs acteurs, un indifférent qui reçoit toutes les confidences de la colère et de la passion, des hommes de parti sincères, de faux hommes de parti plus ardents que les autres, des conciliateurs de bonne foi partout repoussés, des hypocrites partout accueillis. C’est une véritable comédie de mœurs, dont le costume a changé. La scène devient plus plaisante encore, lorsque, réduite à deux personnages, elle nous montre le naïf interprète des casuistes en face d’un disciple apparent, qui, tantôt par d’ingénieuses contradictions, tantôt par une ironique docilité, excite et favorise l’indiscrète vivacité du bon père. Animé par un tel auditeur, le jésuite développe avec une orgueilleuse confiance les maximes de ses