Page:Villemain - Discours et mélanges littéraires.djvu/86

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sociale. La liberté ! c’est pour elle qu’écrivait Montesquieu c’est elle qu’il cherchait, sans la nommer toujours. La liberté ! mère des lois comme la justice elle-même. La liberté ! la justice ! chacune d’elles n’existe qu’en s’unissant à l’autre. Qu’on les sépare, l’une se détruit par ses fureurs, l’autre est dégradée par son esclavage.

Mais ce n’est pas en vain que l’observateur impartial a distingué la liberté sous deux formes. Quelquefois le citoyen est plus libre que la constitution ne paraît l’être. Quelquefois la liberté qui n’est pas dans l’ordre politique se retrouve dans les lois civiles, ou même dans les mœurs. Tout en réprimant par cette vérité les plaintes et la hardiesse des novateurs, Montesquieu retrace sans détour la véritable théorie de la liberté politique. Elle tient à la distinction de la puissance législative et de la puissance exécutive ; distinction qui, même imparfaitement appliquée par les Romains, fonda toute leur grandeur ; distinction admirable que, par le plus singulier contraste, on voit sortir avec une perfection nouvelle des ruines de la féodalité, et qui forme chez un peuple moderne le gouvernement le plus libre, le plus fort, et sans doute le plus durable, puisque les vices y trouvent leur emploi, et que la corruption même en fait partie.

L’existence de ces deux pouvoirs ne suppose pas un égal partage de forces. La puissance exécutive concourt à la formation des lois, sans que la puissance législative puisse concourir à leur action ; mais aussi la puissance exécutive, ne gardant pour elle que ce qui tient au gouvernement et au droit politique, abandonne l’application du droit civil aux citoyens eux-mêmes, parce que le pouvoir judiciaire doit être le pouvoir neutre de la société, parce que dans l’État tout doit être dépendant du souverain, excepté la justice.

Par quelle admirable analyse de la constitution anglaise