Montesquieu n’a-t-il pas étendu et détaillé ces vérités premières ? Mais, lorsque la liberté manque à l’institution politique, il la cherche dans les lois et dans les coutumes, où elle se réfugie quelquefois comme un dieu inconnu, ignoré du peuple qu’il protège. Législateur pour tous les États, Montesquieu montre ce qui serait esclavage dans l’esclavage même, ce qui est liberté dans la monarchie la plus absolue. Sur le degré de liberté se mesure la richesse de l’État. Plus un peuple est libre, plus il peut supporter la grandeur des impôts. Il lui semble que chaque jour il paye la liberté, à mesure qu’il est enrichi par elle[1] ; plus un peuple est libre, plus l’impôt doit être égal et indirect, pour ménager à la fois son orgueil et sa liberté.
Une puissance qui n’influe pas moins que la liberté sur les lois, ou plutôt qui influe sur la liberté même, c’est le climat. Montesquieu prétend-il assujettir les peuples à une sorte de fatalité, lorsqu’il reconnaît cet ascendant impérieux de la température et du sol ? Cette hypothèse ne serait-elle pas démentie par l’histoire le ciel de la Grèce n’a pas changé ; et l’esclavage rampe sur la terre de la liberté. Il n’y a plus de Romains dans l’Italie ; ce n’est pas le ciel qui manque ; ce sont les lois et les mœurs. Triste et irrécusable exemple qui, sans détruire l’opinion de Montesquieu, prouve seulement la force des divers principes qu’il avait reconnus, et nous atteste quel concours de faits et d’institutions est nécessaire pour former et pour maintenir un peuple libre. On ne saurait nier, en effet, l’influence particulière du climat sur le plus grand scandale de l’injustice humaine, l’esclavage domes-
- ↑ Ce que Tacite disait de la servitude des Bretons, Britannia servitutem suam quotidie pascit, on peut l’appliquer aujourd’hui à la liberté des Anglais.