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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

des chants orphiques, et lui-même en discute un passage sur la nature de l’âme. Platon, dans le Cratyle, nomme aussi le poëte Orphée et en cite un vers.

Que le personnage ait été fabuleux ou vrai, il y avait donc fort anciennement des vers répandus sous son nom. Et cette fiction, qui se renouvela souvent et dans les commencements de notre ère, remonte sans doute au premier âge de la poésie grecque. Comment l’idée d’un poëte sacré, dominant par l’harmonie jusqu’aux bêtes féroces et aux rochers, n’aurait-elle point apparu dans cette Grèce, où nous voyons, aux époques historiques, un vrai législateur chanter en vers élégiaques, sur la place publique d’Athènes, les conseils qu’il donne à ses concitoyens ? Sans affirmer l’existence ni l’époque précise d’un seul Orphée, croyons qu’il dut s’en élever plusieurs, à la naissance de cette société grecque sortant de la barbarie par la guerre et la gloire, et de bonne heure humanisée par les arts.

De là se forma dans l’imagination du peuple ce type d’Orphée, guide harmonieux des Argonautes, époux d’Eurydice, vainqueur de la barbarie, et même de l’enfer, s’il n’eût pas été lui-même vaincu par l’amour. Et Pindare, dans une de ses pythiques, ne manque pas de le célébrer parmi d’autres héros dont il évoque les images : « Là, dit-il, de par Apollon, vint aussi le maître de la lyre, le père des chants sa-