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Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/206

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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

espérance : il faut aussi que le nourrisson favori de Thèbes donne en tribut une fleur des grâces à la belle et vaillante Égine ; car Égine et Thèbes sont filles jumelles du même père[1]. »

Je ne sais si ma passion de traducteur m’abuse en ce moment ; mais combien cette joie réservée du poëte, cette tristesse du Thébain mêlée au triomphe des Hellènes, sont patriotiques et touchantes ! Quelle fierté fidèle, et en même temps quel art délicat dans ce souvenir du poëte, qui, se nommant avec orgueil le nourrisson favori de la ville de Thèbes, alors tant répudiée par les Grecs, revendique en même temps pour elle la parenté de la vaillante Égine, naguère l’ennemie, et aujourd’hui la glorieuse alliée d’Athènes ! Dans le langage elliptique du poëte, ce qui est exprimé fait ressortir avec éclat tant d’autres souvenirs sous-entendus et présents ! C’est la réponse au menaçant outrage du monument qu’Athènes venait de consacrer par celle inscription sur un immense trophée d’armes enlevées aux barbares :

les Athéniens et les Grecs,
après la défaite des Perses et des Thébains.

Grâce à la poésie et à la gloire, Pindare n’était pas compris dans cet anathème de sa ville natale. Son génie

  1. Pind., ed. Boiss. Isthm., 8, p. 268.