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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

avait combattu pour la Grèce ; et ses chants n’avaient cessé d’inspirer dès longtemps ceux qui venaient de vaincre pour elle.

Eschyle, plus heureux, faisait plus encore : il avait contribué de son bras à la victoire qu’il célébrait ; et plus tard, dans l’épitaphe qu’il s’était faite, il oubliait ses poëmes immortels, pour ne se souvenir que de ses services guerriers : « Ci-gît Eschyle, fils d’Euphorion, Athénien mort dans la fertile contrée de Géla. Le bois de Marathon dira sa vaillance bien renommée, que connaît le Mède à l’épaisse chevelure[1]. »

Cette vaillance même était l’âme de sa poésie. De là, l’instinct de grandeur qui double en lui l’enthousiasme et l’imagination. Tous les tons de la lyre lui obéissent ; tous les accents de pitié, de terreur, de triomphe et d’allégresse accourent, dès qu’il a préludé. La tragédie des Perses[2] semble d’abord un hymne élégiaque, telles que les malédictions et les déplorations des prophètes hébreux.

Quel hymne chanté à deux parties, quel chœur lamentable égala jamais l’ouverture de cette tragédie, ce réveil sinistre du palais de Xercès, cette présence de sa mère, de la veuve de Darius, au milieu des vieillards de sa suite et de ses femmes ? Quelle ode triomphale surpassa jamais ce témoignage de la bouche des

  1. Analect. Brunck, t. II, p. 523.
  2. Æschyl. Pers., p. 60.