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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

complies, selon la justice ou contre la justice, le temps ne peut faire que ce qui est œuvre consommée ne le soit pas ; mais l’oubli vient à la suite d’un retour de bonheur. Sous des joies salutaires meurt vaincu le ressentiment de la souffrance passée, alors que la faveur de Dieu envoie d’en haut une prospérité supérieure. Cette parole va bien aux royales filles de Cadmus : elles souffrirent grandement, mais le poids de leur douleur tomba devant des félicités plus grandes[1]. »

N’y a-t-il pas là toute la solennité pathétique dont l’éloquence sacrée rehaussait les vicissitudes de la royauté, proscrite, ou rappelée dans cette île britannique plus agitée en sa terre et dans ses ports que l’Océan qui l’environne ? C’est la maison des Adrastides, au lieu de celle des Stuarts. Et, si on songe que tout le reste de cette ode est rempli par une peinture du bonheur de l’autre vie pour ceux qui se complairont au respect du serment et auront su garder leur âme de toute injustice, qu’à ce prix seul le poëte les voit cheminant, par la route de Jupiter, jusqu’au palais de Saturne, où les brises de l’Océan soufflent autour de l’île des bienheureux, où des fleurs d’or étincellent, et où ils tressent de leurs mains des guirlandes et des couronnes, ne reconnaît-on pas encore là ce génie religieux qui, en voulant l’unité du

  1. Pind., ed. Boiss. Olymp., p. 27.

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