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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

Pouvoir pour l’ordre stable des États, la réglait en espérance sur l’immortelle justice de la Cité céleste, dont il proposait le bonheur pour récompense aux vertus des puissants et des rois ?

Ce rapprochement de Pindare avec Bossuet n’a été pour nous, on le voit, ni un paradoxe ni une prétention à des vues nouvelles, mais un cadre abrégé où se plaçaient d’eux-mêmes les principaux traits de la physionomie du poëte grec. Ce ne sont pas, en effet, seulement quelques formes d’imagination, quelques beautés de style, qui se rencontrent dans ce parallèle. On peut y suivre avec étonnement le cours souvent semblable de deux sources si éloignées l’une de l’autre. Cette première étude peut d’ailleurs nous aider à juger ce que Pindare fut pour l’antiquité, et comment Cicéron a dit : « Parmi les poëtes, je parle des Grecs[1], on ne nomme pas seulement Homère, ou Archiloque, ou Sophocle, ou Pindare, mais aussi les seconds après eux, ou même ceux qui sont inférieurs aux seconds. » Le grand orateur romain avait senti l’âme éloquente du poëte ; et lui, qui dit ailleurs « qu’il faut avoir du temps à perdre pour lire les poëtes lyriques, » il ne conçoit le rang de Pindare qu’à côté d’Homère.



  1. Nam in poëtis, non Homero soli locus est, ut de Græcis loquar, aut Archilocho, aut Sophocli, aut Pindaro, sed horum vel secundis, vel etiam infrà secundos. Cic. Orator., c. i.