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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

jeunesse, allant à Thespies dans la plus grande chaleur de l’été, il fut pris de fatigue et de sommeil[1]. Il s’endormit à terre, un peu au-dessus de la route. Des abeilles, qui volaient sur lui, déposèrent du miel autour de ses lèvres, et depuis il eut le don des vers et chanta.

Horace s’est souvenu de cette légende, lorsqu’il raconte « que sur le Vultur Apulien, en dehors de la terre d’Apulie, sa nourrice, comme il gisait enfant, accablé par le jeu et le sommeil, de fabuleuses colombes le couvrirent d’un vert feuillage. Ce fut merveille, dit-il, pour tous les habitants de cette Achérontia, suspendue comme un nid, et pour ceux des bois de Bantium et des vallées fertiles de Forente, de me voir dormir, en sûreté contre les vipères et les ours, sous les ombrages enlacés du laurier divin et du myrte, enfant magnanime que j’étais, non sans l’aide des Dieux[2]. »

Horace, vous le voyez, badine sur sa prédestination poétique ; et il emprunte à Pindare jusqu’au tour et au moindre détail de son expression :

Non sine dis animosus infans.

Οὐκ ἄνευ θεῶν, avait dit le poëte thébain, bien qu’il ne racontât point lui-même le reste du prodige, que croyaient ses contemporains.

  1. Pausan. Bœot., c. 23.
  2. Horat. od. 4, lib. iii.