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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

a fait les cieux et en a réglé l’ordonnance, de sorte que, sous la splendeur d’une lumière également distribuée, chaque partie est visible pour une autre. De même, il a donné aux grandeurs du monde un régulateur et un chef qui transfère à propos ces biens frivoles, d’un peuple à un autre et d’un sang à un autre sang, malgré tout l’effort des conseils humains. C’est ainsi qu’un peuple s’élève et qu’un autre languit, au gré de cette Puissance qui se cache, comme le serpent sous l’herbe. Votre savoir n’a pas de force contre elle : elle pourvoit, elle juge ; elle règle son empire, comme les autres divinités disposent du leur. Ses changements ne s’arrêtent jamais. La nécessité lui donne une course si rapide, que souvent elle atteint le vainqueur ; c’est elle qui est mise en croix par ceux-mêmes qui devraient la célébrer et qui la maudissent à tort. Mais elle, dans sa béatitude, n’entend pas de tels cris. Avec une joie égale à celle des autres créatures du premier ordre, elle roule sa sphère et jouit de son bonheur. »

Vous avez présent cet hymne d’Horace à la divinité d’Antium, à cette Fortune dont les Romains avaient cru sentir les puissantes faveurs, dans les calamités qu’eux-mêmes infligeaient aux vaincus. Vous avez admiré dans le poëte l’appareil de terreur et de vengeance qu’il fait marcher devant elle :

Te semper anteit sæva Necessitas,
Etc., etc.