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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

de grandeur se retrouvât dans les chants de la Divine Comédie du Dante. Ici le Dante aura eu pour précurseurs, non ces poëtes profanes dont il était accueilli, à l’entrée de l’Enfer, mais les poëtes hébreux, le Psalmiste et les Prophètes. Dans la féconde originalité du Dante reconnaissons, en effet, la double inspiration qu’il a reçue. Ce génie créateur a derrière lui l’Orient et l’ancienne Italie. Comme il parle de tout ce qu’il sait, et qu’il n’a point nommé Pindare, Eschyle ni Sophocle, je croirais que, peu versé dans leur langue, de la poésie grecque il ne connaissait guère qu’Homère, le poëte souverain. Mais le génie lyrique dans son ardeur, dans sa passion, lui arrivait avec la parole sainte et les prières de l’Église : c’est là qu’il trouvait à la fois le surnaturel et l’enthousiasme.

Ce n’est pas en effet une seule imagination humaine, quelque riche qu’on la suppose, qui a pu construire ces idéales hiérarchies de douleurs, d’expiations et de béatitudes, où se complaît le poëte de la Divine Comédie ; c’est la pensée chrétienne qui travaillait, depuis des siècles, sur quelques versets de l’Évangile, sur quelques cantiques d’Isaïe ou de saint Jean. Un siècle et demi avant le Dante, quand l’italien à peine naissant ne s’écrivait pas encore, quand la prédication et la poésie étaient encore toutes latines en Italie, un des grands hommes de l’Église, Pierre Damien, ce pur et austère génie, parfois en lutte même contre Grégoire VII, et