C’est à ce titre qu’un poëte, d’abord de l’école alexandrine, sous l’ancienne royauté, puis de l’école frénétique sous l’anarchie, Lebrun, affecta les écarts d’une veine à la fois savante et forcenée, n’étant d’ailleurs qu’un artiste en paroles, sans libre invention, comme sans principe moral, et d’autant plus impétueux qu’il était plus servile sous la passion ou le pouvoir du moment. Ainsi dominé, jusque dans sa fougue, le talent appartient moins à l’art qu’à la politique et demeure un symptôme du temps plutôt qu’une distinction originale.
On l’éprouva toutefois, ces torches de liberté conquérante et d’ambition, agitées en France, éblouissaient au loin et suscitaient ailleurs soit les mêmes passions, soit de plus vives résistances. Sous les effluves de feu qui jaillissaient de la tribune et des clubs de Paris, ce fut un grand spectacle que l’Angleterre orageuse et contenue, frémissante et maîtresse d’elle-même, tentée par l’anarchie et défendue contre l’anarchie par la liberté.
Toute cette ardeur d’indépendance, qui bouleversait la France de fond en comble, plaisait théoriquement à bien des imaginations en Europe. On avait applaudi comme une belle œuvre d’art le Guillaume Tell de Schiller : mais sa tragédie des Brigands charmait aussi beaucoup d’esprits faux en Allemagne, comme autorisant la révolte contre une société où ils ne croyaient pas avoir assez bonne part.