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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

délicieux vers de M. de Lamartine : l’Isolement, le Soir, le Vallon, le Lac, la Foi, le Temple, les Étoiles ; tous ces échos de douce rêverie, dont nuls sons ne pouvaient être détachés et retentir dans les vastes auditoires des cours publics, sans faire éclater les mille applaudissements d’une jeunesse idolâtre.

Bientôt cette voix, plus austère et plus forte, atteignit à la grandeur de l’ode politique, à l’autorité de l’anathème moral fulminé même contre la gloire par une éloquente poésie. N’ajoutons pas un mot. Toutes les mémoires nous préviennent, à la pensée des vers sur d’Enghien et sur Napoléon. Un poëte lyrique était né pour la France, avec des nuances admirables de douceur élégiaque et de tendre mélancolie. Qu’il ait trop multiplié peut-être, ou laissé parfois tomber avec négligence les accents de sa voix musicale ; qu’il ait porté depuis sur trop de sujets les plus divers sa seconde vue trop rapide ou trop distraite, il n’importe : la langue et l’esprit français n’oublieront jamais quelques-uns des premiers et des grands dons que cet heureux génie leur a faits.

Un des caractères éminents de sa gloire, un des priviléges de son inspiration sera d’avoir échappé à la loi du temps, à ce raffinement du goût, à ce travail artificiel qui marque les époques un peu tardives de l’imagination, les retours et les arrière-saisons des lettres. Ce grand poëte était d’abord un poëte naturel, prodiguant les images et l’harmonie avec cette facilité qui ajoute