Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/580

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
572
ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

la grâce à la puissance, d’une pureté admirable quand il était inspiré, et alors, fidèle à la perfection, même dans les hasards du caprice et de la rêverie.

La même époque, un peu plus avancée, le même état du ciel allaient éveiller une autre âme poétique. Né d’un vaillant général de l’Empire et d’une mère vendéenne, élevé dès l’enfance au bruit du canon et des bulletins, dans les places d’armes de l’ennemi vaincu, souvent au soleil d’Espagne, dans l’école militaire de sa jeune noblesse ou parmi les pages de sa cour exotique, Victor Hugo reçut l’éducation la mieux faite pour lui, libre, fière, éclatante. L’Espagne, avec son ciel, ses monuments, sa langue sonore, était comme une seconde patrie où il se reconnaissait : son esprit s’en colorait ; sa voix harmonieuse et forte en prenait tous les accents.

À ces impressions du premier âge et de la guerre, aux vicissitudes de la vie privée, allaient se mêler, pour cette forte imagination, les grands spectacles de la fortune et les dernières convulsions de la gloire. C’était à quinze ans, l’âme déjà nourrie de Tacite, que l’enfant de génie assistait à ces leçons de la Providence. Quelle en fut l’action sur son cœur et sur son art ! Quel éclatant essor, depuis les premiers vers notés avec admiration, dans un concours d’Académie, par M. Raynouard, jusqu’aux Orientales ! La riche variété des tons lyriques élancés de cette jeune âme se rapportait cependant à quelques sources principales :