Aller au contenu

Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/595

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
587
ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

mère, s’étant remariée à un colonel espagnol, partit pour l’Europe avec elle et son nouvel époux. Descendue d’abord en France, elle passa quelques mois à Bordeaux, et vint ensuite dans la Corogne, patrie de son beau-père. Le midi de la France, l’Espagne septentrionale, tout cela était presque le Nord pour cette enfant du tropique accoutumée aux cieux éclatants et aux nuits lumineuses de Cuba. La jeune Gomez languit longtemps de ce mal du pays plus sensible aux exilés de l’Orient qu’aux voyageurs partis de l’Europe. Elle entra plus avant dans l’Espagne, habita Cadix et Séville, et sentit dans les beaux printemps de l’Andalousie quelque souffle de son climat natal ; elle retrouvait avec le soleil l’enthousiasme et la poésie.

À travers mille hommages recueillis à Grenade, à Cordoue, elle vint plus tard dans le monde agité de Madrid. Brillante d’une beauté qui semblait le voile transparent de son génie, parée pour les yeux espagnols d’une grâce à la fois nationale et demi-étrangère, respirant surtout dans son talent la grandeur et la force, mais y mêlant ce goût de pureté, cette correction sévère trop rare en Espagne pour ne pas sembler originale, elle étonna, elle charma tous ceux qui l’entendirent. Sous le nom de Tula, que lui donnaient quelques amis, elle fut aussi célèbre que toutes les espérances de bonheur et de liberté dont se flattait alors l’Espagne.

Ses poésies lyriques, publiées dans les deux années