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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

suivantes, furent populaires d’abord dans les salons et partout répétées. Une première tragédie qu’elle fit représenter à Madrid, Alphonse Munio, fut applaudie avec transport. Des couronnes de fleurs tombèrent aux pieds de l’auteur ; des sérénades la suivirent à sa demeure, et on la nomma la Melpomène castillane. Triomphante sur la scène, admirée dans les académies, entourée d’hommages dans les réunions qu’animait sa voix, exposée peut-être aux médisantes jalousies du monde et aux calomnies des partis, la belle Gomez de Avellaneda ne donnait place dans ses vers qu’aux sentiments de patrie, de vertu, de gloire.

Dans sa trentième année cependant, touchée de l’attachement profond que ressentait pour elle un jeune et célèbre député des cortès, élevé par la révolution au titre de chef politique de Madrid, elle lui donna sa main ; mais ce choix ne devait être que la consolation et l’orgueil d’un mourant. Pedro Sabater, que doña Gomez acceptait pour époux, consumé dans les luttes de tribune et les rudes fatigues d’une ambition aux prises avec l’anarchie, touchait au dernier terme d’un mal de poitrine. La femme illustre qui s’unissait à lui ne lui apportait que la sollicitude et les veilles d’une sœur, selon le sang, et les bénédictions d’un ange, devant Dieu. Après la perte de cet époux et dans un long deuil, ce cœur, qui s’était refusé longtemps à l’amour et ne l’avait souffert que près d’un tombeau, s’est dévoué tout entier à la