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Page:Villemin - Jacques Du Lorens, 1869.djvu/10

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plus belle il nous subjugue au miroitement de ces formes et de cette langue dont Viollet-le-Duc a si bien défini le caractère.

Il a survécu de lui deux monuments, je les invoque ; c’est là-dessus que je base toute la controverse ; deux satires, et rien de plus.

L’Hypocrite — et la Femme ; la Femme — et l’Hypocrite ; deux sujets analogues qui de tout temps ont fourni matière aux redresseurs des vices de notre espèce.

Un des plus fiers génies de l’antiquité, Juvénal, s’est colleté de pied ferme avec la Gorgone. Son poëme est prodigieux d’élévation. Chaque trait tombe juste ; mais la vérité, quoiqu’en restant la vérité, y devient surhumaine. Comme Dante est descendu aux enfers escorté du Père de l’Énéide, Juvénal dans un autre monde, — le cœur des femmes, — a eu pour guide un compagnon qu’il ne nomme pas : ce fut Eschyle, l’héroïque chanteur.

Et Boileau, dit-on, s’est inspiré de Juvénal ? Comment donc alors est-il parvenu à faire de cette relique du Parthénon je ne sais quelle terne et froide vignette à orner le missel d’une ou d’un Janséniste ? On y hume à pleine narine son monsieur Arnault. C’est morne, taciturne ; c’est empreint de cette religiosité cadavéreuse qui mettait la vie dans la mort et la perfection dans le néant.

Retournons vite, et dès l’heure, à notre du Lorens ; ceux qui l’ont relégué au cinquième ordre ont-ils bien relu cette satire, où il y a du Callot, du Rembrandt ?

Juvénal, avec son rictus de cyclope, a fait de son œuvre une épopée où le drame satirique se revêt du manteau d’Eschyle.

Du Lorens, le comique, n’a pu se nourrir de Molière,