Page:Villeneuve - Le Temps et la patience, tome 1.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
155
ET LA PATIENCE.

& je leur ai tenu exactement ma parole. Après avoir fait débarquer au Port le plus proche de ce lieu, les commodités dont mon vaisseau étoit rempli, je les y fis transporter, où, avec l’assistance de mon Esclave, je bâtis cette petite cabane. Nous y défrichâmes la terre, & nous nous mîmes en état d’avoir les vrais agréments de la vie. J’avois pris la précaution d’apporter des instruments de Mathématique ; &, cultivant le goût que j’ai toujours eu pour cette science, je me trouve si heureux, que je ne sortirois jamais de cette agréable solitude, si je n’y étois forcé par le desir de remplir ma promesse, & de revoir mon fils & son épouse, pour qui, triomphant de la vive ardeur qu’elle m’avoit inspirée, je n’ai conservé que les plus tendres sentiments d’un Pere.

Je vais les voir chaque année, leur ayant pourtant toujours refusé avec fermeté de leur faire connoître le lieu de mon séjour, de peur que leur amitié ne les portât à m’y venir troubler. Il y a vingt ans que je vis de cette sorte, sans regret d’avoir choisi ce genre de vie. Le seul chagrin que j’y ai souffert, est la mort de mon Esclave, qui me mit dans l’embarras pour cultiver mes terres, & me