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ET LA PATIENCE.

Ce reste de vertu, ou pour parler comme Mouba, une telle bassesse d’ame ne se trouvoit pas du goût de ce traitre. A la vérité, son projet n’étoit point d’attenter à la vie du Roi, non qu’il fût effrayé de l’idée de ce crime, mais parce que cette vie, qui, selon le cours naturel, ne devoit pas être encore d’une fort longue durée, étoit nécessaire à ses desseins. Celui de se saisir d’un Trône sans en avoir aucun prétexte, ni d’autres droits que l’envie de régner, demandoit plus d’un jour pour parvenir à sa maturité, parce qu’il concevoit que, si par un événement imprévu il y reussissoit si facilement, il courroit risque d’en être renversé avec aussi peu d’obstacle.

Mouba envisageoit ces raisons ; il étoit jeune, sa vie devoit vraisemblablement être longue, & il prétendoit que son regne en égalât la durée ; de plus, ainsi que la Reine, il étoit animé du desir de faire régner sa postérité : pour cet effet, il étoit donc nécessaire de faire périr les Princes. Leur perte étant indispensable, ainsi que celle de tout le Sang Royal, il ne balançoit point sur ce projet, mais il craignoit de se rendre odieux à un Royaume sur qui il vouloit dominer, s’il se chargeoit de ce crime, qui auroit pu l’éloigner du but de