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ET LA PATIENCE.

en frémissant, la même Merille, des infortunes de qui je viens d’avoir l’imprudence de vous instruire ? Hélas ! ma bonne mere, reprit la Princeffe avec un soupir amer, & en redoublant ses larmes, vous l’avez deviné, c’est moi même, je suis cette malheureuse qui n’est venue au monde que pour être le bourreau de ses freres, & peut-être de son pere. Car enfin, continua-t-elle, qui sait si l’indigne Mouba n’a point attenté aux jours du Roi ? & qui peut être certain, que trouvant la vie de mon pere trop longue, il ne l’ait pas abrégée ? Vous me le représentez capable de tout, il n’y a donc point de crime dont un tel scélerat fasse scrupule… mais je n’en suis pas moins la funeste cause ; & si je n’étois pas née, la Reine, mettant des bornes légitimes à son ambition, auroit peut-être renoncé au funeste dessein de régner ; sans abuser de la bonté du Roi, contente de la gloire dont il l’avoit comblée, elle auroit laissé jouir mes freres du droit légitime qu’ils avoient de succéder à leur pere ; ce qui auroit mis un obstacle invincible aux criminelles intentions de l’infâme Mouba. C’est donc pour moi, & pour accomplir la prédiction du Faquir, qu’elle s’est déterminée à perdre son innocence, à se rendre coupable de l’exil, & peut-être de la