Page:Villeneuve - Le Temps et la patience, tome 1.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48
LE TEMPS

devidette : mais au-lieu que ces instruments sont faits d’ordinaire de telle façon, que la personne qui s’en sert les fait tourner sans partir de sa place, cette femme, au contraire, loin d’en avoir la commodité, étoit obligée de tourner autour du buisson, & de passer son peloton au travers de mille branches avant d’en tirer assez long pour faire un pas, ou pour en pelotonner une aiguillée.

Merille fut étonnée de trouver une femme si honnêtement vêtue dans un endroit aussi écarté, à l’heure qu’il étoit, & dans une semblable occupation, mais elle fut encore plus frappée de la tranquillité dont elle faisoit un ouvrage aussi pénible qu’ennuyeux & ridicule : sur quoi cependant elle ne paroissoit avoir aucune impatience, sa physionomie douce & paisible n’en étant nullement altérée.

Merille, ravie de trouver une personne qui d’abord lui parut charmante, s’en approcha, ne doutant pas que cette femme ne connût mieux le Pays qu’elle ne faisoit elle-même, &, conjecturant par son ouvrage, qu’elle devoit avoir une habitation près du lieu où elles étoient, elle l’aborda gracieusement, quoiqu’avec une sorte de répugnance, dont elle ne se pouvoit rendre raison, en la priant de lui en-