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LE TEMPS

ce ; mais cependant, supposé que, par un accident imprévu, le Temps ne parût pas aussi favorable qu’il nous l’a promis, & que nous avons sujet de l’espérer, le seul moyen de le faire changer, sera de le recevoir avec fermeté. L’égalité d’humeur & la tranquillité de l’ame adoucit sa rigueur, au-lieu qu’on l’irrite en le recevant avec dépit, & rarement ce moyen réussit-il à ceux qui l’emploient.

Encouragés par ces sages discours, ils se présenterent pour entrer dans le Palais : à peine en étoient-ils sur la porte, que le Temps parut au milieu de la Cour ; c’étoit le seul endroit où en quelque sorte il étoit fixe, & alors il s’appelloit le temps du repos ; mais encore n’étoit-il pas immobile ; au contraire, il gesticuloit perpétuellement, & chacun de ses gestes entraînoit une révolution dans le monde.

Comme il ne s’éloignoit pas, ses spectateurs eurent le loisir de le considérer, & de connoître que ce qu’ils avoient pris pour un nuage, étoit un Trône composé de la façon la plus grotesque & la plus bizarre qui puisse entrer dans l’imagination. C’étoit un mêlange confus de Châteaux, de cabanes, de Villes, de déserts, de forêts, de mers, de rivieres, de plaines, de montagnes, de prairies, de