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ET LA PATIENCE.

sanguinaire qui est prêt à nous accabler ; peut-être même qu’au moment que je vous parle, le cruel Mouba, informé de mon déguisement, va m’éloigner de vous, & donner à cette action des couleurs si criminelles, que je périrai également dans l’ombre du crime, sans que ma mort vous soit avantageuse. Bannissez donc absolument cette timide prudence : enfin, s’il faut périr, que ce soit du moins en faisant des efforts pour nous sauver, & pensons que si nous y succombons, ce ne fera pas avancer notre destin de beaucoup, mais que nous nous serons donné la satisfaction d’avoir fait notre possible pour nous tirer de peine.

Une si généreuse résolution ayant ranimé le courage de la Reine, le danger qui lui paroissoit évident de toutes parts, la détermina à préférer celui qui étoit accompagné de quelque espérance : il la fit enfin consentir que quand Mouba croiroit venir à son ordinaire aux pieds de Merille, il lui plongeât son poignard dans le sein ; & qu’après l’avoir tué, il le jettât par la fenêtre, en appellant le Peuple à leur secours, dans l’espérance que cette action intimideroit les lâches qui les gardoient, & donneroit au zele de leurs amis le temps d’éclater.