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ET LA PATIENCE.

conduire Merille dans un parc immense, où elle trouva une quantité prodigieuse de bestiaux : les uns étendus à l’ombre, se reposoient mollement sur l’herbe fraîche, tandis que d’autres paissoient & avançoient de la sorte le moment de leur perte, en profitant de la commodité de s’engraisser.

Ceux qui composoient ces divers troupeaux leverent tous la tête, lorsque la Princesse & la Conductrice passerent ; & les regardant tristement, ils pousserent des plaintes si douloureuses, que, ne pouvant douter qu’ils ne fussent assez raisonnables pour connoître le danger où ils étoient, ils firent répandre de nouvelles larmes à la malheureuse Merille. Ils la regardoient avec une curiosité qui lui prouvoit bien que c’étoit quelque chose de plus fort que l’instinct qui les faisoit agir. Elle plaignit leur infortune ; mais le desir de trouver sa malheureuse famille l’empêchant de rester plus longtemps auprès d’eux, elle les laissa pour continuer chercher ses parents, & entra dans un petit bocage, dont l’herbe paroissoit admirable. L’Esclave lui dit que c’étoit en ce lieu qu’elle les rencontreroit, qu’Angoulmouëk y mettoit les nouveaux venus, parce que leur douleur les faisant maigrir