Page:Villeneuve - Le Temps et la patience, tome 2.djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
38
LE TEMPS

comble à ses douleurs. Cependant Angoulmouëk s’étant éveillé sur le milieu du jour, porta ses premières pensées au souvenir de sa nourrice ; &, pour ne pas retarder un déjeûner si délicieux, il se hâta de se rendre à la porte de la chambre, où, frappant avec grand bruit, il s’écria d’une voix effroyable : Allons vîte, que l’on me donne à déjeûner, je n’ai pas le temps d’attendre.

Quoique Merille fût en quelque sorte préparée à cette aubade, elle en fut si épouvantée, qu’elle n’auroit jamais eu le courage d’aller mettre son doigt sous la porte, si l’Esclave ne l’y avoit presque portée : elle passa sa main en tremblant ; de l’avidité dont ce monstre la saisit, lui fit appréhender qu’il ne l’engloutît. Mais il lui tint parole, & se contenta de la tetter le temps prescrit, après quoi il se retira ; l’Esclave l’ayant suivi, en s’appuyant sur un gros bâton, & affectant de boiter pour aller recevoir ses ordres, il sortit de son Palais à l’ordinaire, après lui avoit dit que cette jeune fille étoit d’un goût exquis, & lui avoit ordonné de la bien nourrir, afin qu’elle durât plus long-temps. Quand il fut dehors, la vieille, qui n’ignoroit pas qu’il ne reviendroit que fort avant dans la nuit, ne tarda point à