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LE TEMPS

entendre, qu’elles étoient à peine retournées dans leur chambre. Il passa la nuit fort tranquillement, sans oublier, le lendemain à la même heure, de venir demander à tetter, après quoi il fut se promener comme de coutume ; & Merille courut à son cher troupeau, y passant tout le temps qu’elle put, ne rentrant qu’assez tôt pour éviter d’être vue par le monstre.

La présence de ces malheureux parents augmentoit sa douleur ; mais elle la contraignoit devant eux, pour ne leur pas faire faire des réflexions encore plus douloureuses. Ce n’étoit pas assez de se contraindre à leurs yeux, elle étoit encore obligée de dissimuler une partie de ses peines en présence de l’Esclave, qui en blâmoit l’excès, & qui appréhendoit que le chagrin se joignant à la foiblesse où le mettoit le peu de nourriture qu’elle prenoit, ainsi que l’anéantissement que lui causoit son affreux nourrisson, ne la fît tomber malade ; n’ignorant point que si le Tyran s’en appercevoit, pour ne pas perdre le ragoût qu’il en espéroit, il la changeroit en bête & la mangeroit à l’instant. Elle ne cacha pas cette juste crainte à Merille, ce qui redoubla celle de la jeune fille, & qui, la poussant au dernier