Page:Villeneuve - Le Temps et la patience, tome 2.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
61
ET LA PATIENCE.

leurs desseins. Ils ne virent point le Magicien ce soir-là ; il s’en alla à sa chambre comme à l’ordinaire, se coucha de même, sans s’appercevoir qu’il avoit un nouvel Hôte ; mais le lendemain, l’heure de son déjeuner étant venue, il ne manqua pas à se présenter pour sucer son doigt nourricier. Benga, outré de douleur & de colere, vouloir le jetter sur lui & l’égorger ; mais la Princesse & la vieille s’y opposerent : agissons avec plus de prudence, lui dit cette derniere, & laissez-moi essayer à tirer de lui-même le moyen de lui ôter la vie. Je m’y prendrai si adroitement, qu’il me le découvrira. Il est peut-être invulnérable, & l’inutile effort que vous feriez, ne serviroit qu’à nous perdre ; de plus, avant de le priver du jour, il faut savoir, s’il est possible, le secret de détruire l’enchantement qui tient tant de malheureux transformés.

Ces raisons étoient trop justes pour que Benga refusât de s’y soumettre, il modéra donc son ardeur, & souffrit, sans paroître, qu’Angoulmouëk le régalât de ce sang qui lui étoit si cher. Les sept minutes prescrites étant expirées, il se retira ; & comme la vieille l’avoit prévu, le monstre ne démêla point l’augmentation de la chair humaine.