Page:Villetard de Laguérie - La Corée, indépendante, russe, ou japonaise.djvu/208

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et soutenue par de longs brancards rouges sur les épaules de huit porteurs, au milieu des plis ondoyants des drapeaux dont les hampes dressaient autour de lui le bois sacré qui murmure autour des sanctuaires et des monuments des saints du bouddhisme. Il était déjà bien difficile qu’un rayon visuel quelconque pût glisser entre tous ces obstacles jusqu’à la face auguste du Fils du Ciel… Néanmoins, par surcroît de précaution, une ordonnance prescrivait de tenir hermétiquement fermées toutes les portes et fenêtres, et même de sceller avec du papier les ouvertures supérieures d’où quelqu’un eût pu regarder le roi de haut en bas[1]

Sur chaque seuil, le propriétaire devait se tenir à genoux sur un escabeau, un balai et une pelle à la main. Il ne les utilisait, hélas ! que ce jour-là !

L’abord du roi était protégé par un « tabou ». Quiconque le touchait ou était touché par lui devait porter jusqu’à la mort un ruban de soie rouge. (On m’a cependant affirmé que cette coutume était tombée en désuétude depuis l’ouverture du pays aux étrangers. Le roi s’était confiné dans un isolement plus complet, pour éviter que cette décoration, la plus enviée de toutes, ne s’égarât sur un barbare.)

  1. Pareil usage existe encore au Japon. Au mois d’août 1894, quand l’Empereur s’est rendu de Tokyo à Hiroshima, beaucoup d’étrangers regardèrent défiler le cortège de la terrasse du Roukonmeïkan, leur club, situé à peu près en face du Parlement japonais. Après la cérémonie, la foule leur jeta force pierres, parce qu’ils s’étaient rendus coupables de lèse-majesté en regardant l’Empereur de haut !