Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/133

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serie, mon cher ! lui dis-je tout bas : courte mais instructive ! Ce monsieur est un simple exécuteur ! — Belge, probablement. — C’est l’exotique dont parlait Antonie tout à l’heure. Sans sa présence d’esprit, j’eusse essuyé une déconvenue en ce qu’il eût effrayé ces jeunes personnes.

— Allons donc ! s’écria C*** : un exécuteur en équipage de trente mille francs ? qui donne des diamants à sa voisine ? qui soupe à la Maison-Dorée la veille de prodiguer ses soins à un client ? Depuis ton café de Choiseul, tu vois des bourreaux partout. Bois un verre de punch ! Ton M. Saturne est un assez mauvais plaisant, tu sais ?

À ces mots, il me sembla que la logique, oui, que la froide raison, était du côté de ce cher poète. — Fort contrarié, je pris à la hâte mes gants et mon chapeau et me dirigeai très vite sur le seuil, en murmurant :

— Bien.

— Tu as raison, dit C***.

— Ce lourd sarcasme a duré très longtemps, ajoutai-je en ouvrant la porte du salon. Si j’atteins ce mystificateur funèbre, je jure que…

— Un instant : jouons à qui passera le premier, dit C***.

J’allais répondre le nécessaire et disparaître lorsque, derrière mon épaule, une voix allègre et bien connue s’écria sous la tenture soulevée :

— Inutile ! Restez, mon cher ami.

En effet, notre illustre ami, le petit docteur Florian