Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/187

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pieds de hêtre appartenant, par préciput et hors part, à Me Percenoix.

Les convives admirèrent tout cela de nouveau. Puis, l’on entra chez M. et madame Lecastelier, et l’on pénétra dans la salle à manger. Une fois assis, après les cérémonies, les convives, en parcourant le menu d’un œil sévère, s’aperçurent, avec une stupeur menaçante, que c’était le même dîner !

Étaient-ils mystifiés ? À cette idée, le sous-préfet fronça le sourcil et fit, en lui-même, ses réserves.

Chacun baissa les yeux, ne voulant point (par ce sentiment de courtoisie, de tact parfait, qui distingue les personnes de province), laisser éprouver à l’amphitryon et à sa femme l’impression du profond mépris que l’on ressentait pour eux.

Percenoix ne cherchait même pas à dissimuler la joie d’un triomphe qu’il crut désormais assuré. Et l’on déplia les serviettes.

Ô surprise ! Chacun trouvait sur son assiette, — quoi ?… — ce qu’on appelle un jeton de présence, — une pièce de vingt francs.

Instantanément, comme si une bonne fée eût donné un coup de baguette, il y eut une sorte de « passez, muscade ! » général, et tous les « jaunets » disparurent dans l’enchantement d’une rapidité inconnue.

Seul, l’Introducteur du phylloxera, préoccupé d’un madrigal, n’aperçut le napoléon de son assiette qu’un bon moment après les autres. — Il y eut là un retard. — Aussi, d’un air gauche, embarrassé, et avec un sourire d’enfant, murmura-t-il du côté de sa