Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/186

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haie qui les avait attendus à la porte pour avoir des nouvelles.

Puis — chacun rentra chez soi.

Me Lecastelier eut une indigestion épouvantable. On craignit pour ses jours. Et Percenoix, qui ne « voulait pas la mort du pécheur », et qui, d’ailleurs, espérait encore jouir, l’année suivante, du fiasco que ferait, nécessairement, son collègue, envoyait quotidiennement prendre le bulletin de la santé du digne tabellion. Ce bulletin fut inséré dans la feuille départementale, car tout le monde s’intéressait au pari imprudent : on ne parlait que du dîner. Les convives ne s’abordaient qu’en échangeant des mots à voix basse. C’était grave, très grave : l’honneur de l’endroit était en jeu.


Pendant toute l’année, Me Lecastelier se déroba aux questions. Huit jours avant l’anniversaire, ses invitations furent lancées. Deux heures après la tournée matinale du facteur, ce fut un branle-bas extraordinaire dans la ville. Le sous-préfet crut immédiatement de son devoir de renouveler la tournée des amers, par esprit d’équité.

Quand vint le soir du grand jour, les cœurs battaient. Ainsi que l’année précédente, les convives se rencontrèrent aux Promenades, comme par hasard. L’avant-garde fut signalée à l’horizon par les cris de la haie enthousiaste.

Et le même ciel empourprait, à l’Occident, la ligne des beaux arbres, lesquels étaient de magnifiques