Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/232

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pour elle. Cléopâtre nouvelle, c’était une grande épuisée, plutôt faire pour présider des cours d’amour au fond d’un manoir ou donner des modes à une province que pour songer à libérer de l’Anglais le sol du pays. En cette occasion, cependant, elle ne consulta aucun de ses mires, — pas même Arnaut Guilhem, son alchimiste.

Une nuit, à quelque temps de là, le sire de Maulle était auprès de la reine, à l’hôtel Barbette. L’heure était avancée ; la fatigue du plaisir ensommeillait les deux amants.

Tout à coup, M. de Maulle crut entendre, dans Paris, des sons de cloches agitées à coups isolés et lugubres.

Il se dressa :

— Qu’est-ce que cela ? demanda-t-il.

— Rien. — Laisse !… répondit Ysabeau, enjouée et sans rouvrir les yeux.

— Rien, ma belle reine ? N’est-ce pas le tocsin ?

— Oui… peut-être. — Eh bien, ami ?

— Le feu a pris à quelque hôtel ?

— J’y rêvais, justement, dit Ysabeau.

Un sourire de perles entr’ouvrit les lèvres de la belle dormeuse.

— Même, dans mon rêve, continua-t-elle, c’était toi qui l’avais allumé. Je te voyais jeter un flambeau dans les réserves d’huiles et de fourrages, mignon.

— Moi ?

— Oui !… (Elle traînait les syllabes, languissamment.) Tu brûlais le logis de messire Escabala, mon