Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/267

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phrase, la porte de la salle à manger s’ouvrit. Nanon, avec cette familiarité particulière aux gouvernantes de curés, entra, dans le rayon du soleil, au beau milieu de la conversation, et, m’interrompant, me tendit un papier :

— Voici une lettre « très pressée » que le rural vient d’apporter, à l’instant, pour monsieur ! dit-elle.

— Une lettre ! — Déjà ! m’écriai-je, oubliant mon histoire. C’est de mon père. Comment cela ? — Mon cher abbé, vous permettez que je lise, n’est-ce pas ?

— Sans doute ! dit l’abbé Maucombe, perdant également l’histoire de vue et subissant, magnétiquement, l’intérêt que je prenais à la lettre : — sans doute !

Je décachetai.

Ainsi l’incident de Nanon avait détourné notre attention par sa soudaineté.

— Voilà, dis-je, une vive contrariété, mon hôte : à peine arrivé, je me vois obligé de repartir.

— Comment ? demanda l’abbé Maucombe, reposant sa tasse sans boire.

— Il m’est écrit de revenir en toute hâte, au sujet d’une affaire, d’un procès d’une importance des plus graves. Je m’attendais à ce qu’il ne se plaidât qu’en décembre : or, on m’avise qu’il se juge dans la quinzaine et comme, seul, je suis à même de mettre en ordre les dernières pièces qui doivent nous donner gain de cause, il faut que j’aille !… Allons ! quel ennui !

— Positivement, c’est fâcheux ! dit l’abbé ; — comme c’est donc fâcheux !… Au moins, promettez-moi