Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/282

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— Monsieur, — répondit-elle d’une voix dont la pureté laissait transparaître les plus lointaines intentions de l’esprit, — monsieur, le sentiment qui vous donne cette pâleur et ce maintien doit être, en effet, bien profond, pour que vous trouviez en lui la justification de ce que vous faites. Je ne me sens donc nullement offensée. Remettez-vous, et tenez-moi pour une amie.

Félicien ne fut pas étonné de cette réponse : il lui semblait naturel que l’idéal répondît idéalement.

La circonstance était de celles, en effet, où tous deux avaient à se rappeler, s’ils en étaient dignes, qu’ils étaient de la race de ceux qui font les convenances et non de la race de ceux qui les subissent. Ce que le public des humains appelle, à tout hasard, les convenances n’est qu’une imitation mécanique, servile et presque simiesque de ce qui a été vaguement pratiqué par des êtres de haute nature en des circonstances générales.

Avec un transport de tendresse naïve, il baisa la main qu’on lui offrait.

— Voulez-vous me donner la fleur que vous avez portée dans vos cheveux toute la soirée ?

L’inconnue ôta, silencieusement, la pâle fleur, sous les dentelles et, l’offrant à Félicien :

— Adieu maintenant, dit-elle, et à jamais.

— Adieu !… balbutia-t-il. — Vous ne m’aimez donc pas ? — Ah ! vous êtes mariée ! s’écria-t-il tout à coup.

— Non.

— Libre ! Ô ciel !