Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/303

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gie froide, et en rougissant de pudeur à la seule idée d’une infidélité imaginaire.

— Hein ?… lui répondis-je en relevant la tête et légèrement stupéfait de cet aveu, — tiens, — mais… Georges, cependant, mais Gaston d’Al ?… mais ce bel Aurelio ? mais Francis X*** ? Il me semblait que… hein ?

Maryelle éclata d’un frais rire aux notes d’or et de cristal.

— D’aimables blagueurs ! s’écria-t-elle tout à coup, sans transition. Ah ! les importuns obligés, — sombre fête, alors ! — Eux ? Ah, bien !… Certes !…

(Et elle haussa dédaigneusement les épaules.)

— Est-ce de ma faute s’il faut bien vivre ? ajouta-t-elle.

— J’entends : tu lui demeures fidèle… en pensée ?

— En pensée comme en sensations ! s’écria de nouveau Maryelle, avec un mouvement d’hermine révoltée.

Il y eut un silence.

— Mon cher, continua-t-elle avec un de ces étranges regards féminins où des esprits seuls peuvent lire, si l’on savait jusqu’à quel point mon histoire, en ceci du moins, devient celle de toutes les femmes ! — Il est si facile de ne point profaner le trésor de joies qui n’appartient qu’à l’amour, à ce sentiment divin que cet enfant et moi nous partageons !… Le reste ? — Est-ce que cela nous regarde ? — Le cœur y est-il pour quelque chose ? Le plaisir pour quelque chose ? L’ennui même pour quelque chose ?… En vérité,