Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/360

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dans la science des prestiges, écrasant les guirlandes flétries sous les flammes des torches, que soutenaient à peine les bras affaissés des statues, il s’avançait dans la Salle démesurée où semblaient maintenant sommeiller des souvenirs de siècles passés.

Et la haute statue du Roi-prophète, de l’Époux du Cantique des Cantiques, apparaissait, éblouissante et bleuâtre, au milieu des senteurs amères qui fumaient autour des encensoirs.

Lorsque le Roi fut, enfin, arrivé aux limites de la Salle, il entra sur le parvis solitaire où rayonnait, ayant le sourire des enfants, le Chëroub taciturne.

Le Roi vint s’accouder, en sa tristesse, sur les ruines de la colonne brisée par la foudre ; il contempla longuement Azraël. Au-dessous des deux présences, le vent, accouru en toute hâte des mers et des montagnes, entre-heurtait convulsivement les rameaux fatidiques du Jardin des Oliviers.

Et Salomon :

— Ineffable Azraël ! Mes yeux sont fatigués des univers ! Mon âme a soif de l’ombre de tes ailes !

La voix de l’Archange morose, mille fois plus mélodieuse que celle des vierges du ciel, vibra dans l’esprit de Salomon :

— Au nom de Celui qui fut engendré avant la Lumière et sera les prémisses de ceux qui dorment, ressaisis ton âme ! L’Heure de Dieu n’est pas venue pour toi.