Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/86

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tuyaux de gaz à lumière sont alternés d’autres tuyaux, ceux des gaz hilarants et dacryphores. Les balcons sont machinés, à l’intérieur : ils renferment d’invisibles poings en métal — destinés à réveiller, au besoin, le Public — et nantis de bouquets et de couronnes. Brusquement, ils jonchent la scène de myrtes et de lauriers, avec le nom de l’Auteur écrit en lettres d’or. Sous chacun des sièges, fauteuils d’orchestre et de balcon, désormais adhérents aux parquets, est repliée (pour ainsi dire postérieurement) une paire de mains très belles, en bois de chêne, construites d’après les planches de Desbarolles, sculptées à l’emporte-pièce et recouvertes de gants en double cuir de veau-paille pour compléter l’illusion. Il serait superflu d’en indiquer la fonction, ici. Ces mains sont scrupuleusement modelées sur le fac-similé des patrons les plus célèbres, afin que la qualité des applaudissements en soit meilleure. Ainsi, les mains de Napoléon, de Marie-Louise, de madame de Sévigné, de Shakespeare, de du Terrail, de Gœthe, de Chapelin et du Dante, décalquées sur les dessins des premiers ouvrages de chiromancie, ont été choisies, de préférence, comme étalons et types généraux à confier au tourneur.

Des bouts de cannes (nerfs de bœuf et bois de fer), des talons en caoutchouc bouilli, ferrés de forts clous, sont dissimulés dans les pieds mêmes de chaque siège ; mus par des ressorts à boudin, ils sont destinés à frapper, alternativement et rapidement, le plancher dans les ovations, rappels et trépigne-