Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/100

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L’électricien, déjà, choquait, avec de rapides saccades, le manipulateur de son cadran Morse, sur la colonne : il écrivait télégraphiquement.

― Est-ce lu ? demanda-t-il ensuite dans le téléphone.

― Oui ! j’y vais moi-même, répondit la voix.

Et, grâce à un mouvement distrait ou plaisant de l’ingénieur qui avait mis la main sur le commutateur central du laboratoire, cette voix sembla rebondir d’angle en angle de tous les côtés où elle pénétrait des condensateurs. On eût dit qu’une douzaine d’individus, échos fidèles les uns des autres, parlaient à la fois dans l’appartement. Lord Ewald en regarda autour de lui.

― Vous me crierez vite la réponse ! ajouta Edison, du ton dont on poursuit un homme qui s’en va.

Puis, revenant vers le jeune lord :

― Tout va bien ! dit-il.

Il s’arrêta, le regardant fixement ; puis, d’un ton froid et qu’une si soudaine transition rendait singulièrement saisissant :

― Milord, dit-il, je dois vous prévenir que nous allons, maintenant, quitter ensemble les domaines (inexpliqués, sans doute, mais trop parcourus, n’est-ce pas ?) de la vie normale, de la Vie proprement dite, ― et pénétrer dans un monde de phénomènes aussi insolites qu’impressionnants. Je vous donnerai la clef de leur chaîne. ― Quant à vous dire, au juste, la nature de ce qui en fait mouvoir les anneaux, je commence par m’en déclarer incapable avec toute l’Humanité : (pour le moment du moins, et, j’en ai peur, pour toujours.)

Nous allons constater, rien de plus. L’Être dont