Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/112

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― Mais aujourd’hui, reprit-il, le temps a passé !… La Science a multiplié ses découvertes ! Les conceptions métaphysiques se sont affinées. Les instruments de décalque, d’identité, sont devenus d’une précision parfaite. En sorte que les ressources dont l’Homme peut disposer en de nouvelles tentatives de ce genre sont autres ― oh ! tout autres ― que jadis ! Il nous est permis de RÉALISER, désormais, de puissants fantômes, de mystérieuses présences-mixtes dont les devanciers n’eussent même jamais tenté l’idée, dont le seul énoncé les eût fait sourire douloureusement et crier à l’impossible ! ― Tenez, ne vous a-t-il pas été, tout à l’heure, difficile de sourire à l’aspect de Hadaly ? ― Cependant, ce n’est encore que du diamant brut, je vous assure. C’est le squelette d’une ombre attendant que l’Ombre soit ! La sensation que vient de vous causer un seul des membres d’un andréide féminin ne vous a point semblé, n’est-il pas vrai, tout à fait analogue à celle que vous eussiez ressentie au toucher d’un bras d’automate ? ― Une expérience encore : voulez-vous serrer cette main ? Qui sait ? elle vous le rendra peut-être.

Lord Ewald prit les doigts, qu’il serra légèrement.

Ô stupeur ! La main répondit à cette pression avec une affabilité si douce, si lointaine, que le jeune homme en songea qu’elle faisait, peut-être, partie d’un corps invisible. Avec une profonde inquiétude, il laissa retomber la chose de ténèbres.

― En vérité !… murmura-t-il.

― Eh bien, continua froidement Edison, tout ceci n’est rien encore ! Non ! rien ! (mais ce qui s’ap-