Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/118

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― Milord, répondit gravement Edison, je vous le jure : prenez garde qu’en la juxtaposant à son modèle et en les écoutant toutes deux, ce ne soit la vivante qui vous semble la poupée.

Non encore bien revenu à lui-même, le jeune homme souriait amèrement, avec une sorte de politesse un peu gênée.

― Laissons cela, dit-il. La conception est accablante : l’œuvre sentira toujours la machine ! Allons ! vous ne procréerez pas une femme ! ― Et je me demande, en vous écoutant, si le génie…

― Je fais serment que, tout d’abord, vous ne les distinguerez pas l’une de l’autre ! interrompit tranquillement l’électricien : et, pour la seconde fois, je vous le dis, je suis en mesure de le prouver à l’avance.

Impossible, Edison.

― Je m’engage, une troisième fois, à vous fournir tout à l’heure, pour peu que vous le désiriez, la démonstration la plus positive, point par point et d’avance, non pas de la possibilité du fait, mais de sa mathématique certitude.

― Vous pouvez reproduire l’Identité d’une femme ? Vous, né d’une femme ?

― Mille fois plus identique à elle-même… qu’elle-même ! Oui, certes ! puisque pas un jour ne s’envole sans modifier quelques lignes du corps humain, et que la science physiologique nous démontre qu’il renouvelle entièrement ses atomes tous les sept ans, environ. Est-ce que le corps existe à ce point ! Est-ce qu’on se ressemble jamais à soi-même ? Alors que cette femme, vous, et moi-même, nous avions d’âge une heure vingt, étions-nous ce