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Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/123

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― Je demande si votre créature aura le sentiment d’elle-même.

― Sans doute ! répondit Edison comme très étonné de la question.

― Hein ? Vous dites ?… s’écria lord Ewald, interdit.

― Je dis : sans doute ! ― puisque ceci dépend de vous. Et c’est même sur vous seul que je me fonde pour que cette phase du miracle soit accomplie.

― Sur moi ?

― Sur quel autre, plus intéressé en ce problème, pourrais-je compter ?

― Alors, dit tristement lord Ewald, ― veuillez bien m’apprendre, mon cher Edison, où je dois aller ravir une étincelle de ce feu sacré dont l’Esprit du Monde nous pénètre ! Je ne m’appelle point Prométhée, mais, tout simplement, lord Celian Ewald, ― et je ne suis qu’un mortel.

― Bah ! tout homme a nom Prométhée sans le savoir ― et nul n’échappe au bec du vautour, répondit Edison. ― Milord, en vérité je vous le dis : une seule de ces mêmes étincelles, encore divines, tirées de votre être, et dont vous avez tant de fois essayé (toujours en vain !) d’animer le néant de votre jeune admirée, suffira pour en vivifier l’ombre.

― Prouvez-moi ceci ! ― s’écria lord Ewald ― et, peut-être…

― Soit, ― et à l’instant même.

Vous l’avez dit, poursuivit Edison, l’être que vous aimez dans la vivante, et qui, pour vous, en est, seulement, réel, n’est point celui qui apparaît en cette passante humaine, mais celui de votre Désir.