Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/124

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C’est celui qui n’y existe pas, ― bien plus, que vous savez ne pas y exister ! Car vous n’êtes dupe ni de cette femme, ni de vous-même.

C’est volontairement que vous fermez les yeux, ceux de votre esprit, ― que vous étouffez le démenti de votre conscience, pour ne reconnaître en cette maîtresse que le fantôme désiré. Sa vraie personnalité n’est donc autre, pour vous, que l’Illusion, éveillée en tout votre être, par l’éclair de sa beauté. C’est cette Illusion seule que vous vous efforcez, quand même, de vitaliser en la présence de votre bien-aimée, malgré l’incessant désenchantement que vous prodigue la mortelle, l’affreuse, la desséchante nullité de la réelle Alicia.

C’est cette ombre seule que vous aimez : c’est pour elle que vous voulez mourir. C’est elle seule que vous reconnaissez, absolument, comme réelle ! Enfin, c’est cette vision, objectivée de votre esprit, que vous appelez, que vous voyez, que vous créez en votre vivante, et qui n’est que votre âme dédoublée en elle. Oui, voilà votre amour. ― Il n’est, vous le voyez, qu’un perpétuel et toujours stérile essai de rédemption.

Il y eut encore un moment de profond silence entre les deux hommes.

― Eh bien, conclut Edison, puisqu’il est avéré que, d’ores et déjà, vous ne vivez qu’avec une Ombre, à laquelle vous prêtez si chaleureusement et si fictivement l’être, je vous offre, moi, de tenter la même expérience sur cette ombre de votre esprit extérieurement réalisée, voilà tout. Illusion pour illusion, l’Être de cette présence-mixte que l’on appelle Hadaly dépend de la volonté libre de