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Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/145

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Hadaly elle-même, qui sera toute ravie et amusée, sans doute, de laisser entrevoir les mystères de sa lumineuse entité.

― L’Andréide parle-t-elle toujours avec la voix que j’ai entendue ? demanda lord Ewald.

― Pouvez-vous donc m’adresser pareille question, mon cher lord ? dit Edison. Non, mille fois ! ― Est-ce que, jadis, la voix de miss Alicia n’a pas mué ? ― La voix que vous avez entendue, en Hadaly, c’est sa voix d’enfant, toute spirituelle, somnambulique, non encore féminine ! Elle aura la voix de miss Alicia Clary comme elle en aura tout le reste. Les chants et la parole de l’Andréïde seront à jamais ceux que lui aura dictés, sans la voir, et inconsciemment, votre si belle amie, dont l’accent, le timbre et les intonations, à des millionièmes de vibrations près, seront inscrits sur les feuilles des deux phonographes d’or, ― perfectionnés à miracle, aujourd’hui, par moi, c’est-à-dire d’une fidélité de son de voix vraiment… intellectuelle ! ― et qui sont les poumons de Hadaly. Ces poumons, l’étincelle les met en mouvement comme l’étincelle de la Vie met en mouvement les nôtres. Je dois même vous avertir que ces chants inouïs, ces scènes tout-à-fait extraordinaires et ces paroles inconnues ― proférées, d’abord, par la virtuose-vivante, puis clichées ― et réfractées sérieusement, tout à coup, par son fantôme-andréïdien, ― sont, précisément, ce qui constitue le prodige et aussi l’occulte péril dont je vous ai prévenu.

À ces mots, lord Ewald tressaillit. Il n’avait pas songé à cette explication de la Voix, de cette