Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/147

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― L’articulation se compose de ce qui emboîte et de ce qui s’emboîte ; or, ce qui emboîte, dans les membres de Hadaly, c’est l’aimant multiplié par l’électricité : et comme le métal que l’aimant domine et attire le mieux (mieux, enfin, que le nickel ou le cobalt) n’est autre que le fer, j’ai dû employer l’acier-fer en ce qui est emboîté.

― Vraiment ? dit très tranquillement lord Ewald : mais l’acier-fer s’oxyde : l’articulation se rouillera ?

― C’est bon pour les nôtres, cela ! dit Edison. ― Voici, sur cette étagère, un lourd flacon d’huile de roses, très ambrée, bouché à l’émeri, et qui sera la synovie désirée.

― L’huile de roses ? demanda lord Ewald.

― Oui : c’est la seule qui, ainsi préparée, ne s’évente pas, dit Edison. Puis, les parfums sont du domaine féminin. Tous les mois vous en glissez la valeur d’une petite cuiller entre les lèvres de Hadaly, pendant qu’elle semble ensommeillée, (comme entre celles d’une malade intéressante). Vous voyez, c’est l’Humanité même. ― Le baume subtil se répandra de là dans l’organisme magnéto-métallique de Hadaly. Ce flacon suffit pour un siècle et plus ; je ne pense donc pas, mon cher lord, qu’il y ait lieu d’en renouveler la provision ! acheva l’électricien avec une nuance de légèreté sinistre dans la plaisanterie.

― Vous dites qu’elle respire ?

― Toujours ; comme nous ; ― dit Edison : mais sans brûler d’oxygène ! Nous comburons, nous, qui sommes un peu des machines à vapeur : mais Hadaly aspire et respire l’air par le mouvement automatique et indifférent de son sein qui se sou-